Décembre 1981, les feuillets originaux de la Marseillaise rédigés de la main de Rouget de l’Isle et datés de 1783 sont mis en vente à Versailles.
Les enchères s’ouvrent à 40.000 francs (15 375 €). Serge Gainsbourg est assis au premier rang. Il a les cheveux gris mi-longs, porte des lunettes de soleil, un jean, un imperméable beige et tient une cigarette dans la main droite. Il est mal rasé mais porte la cravate, passage obligé pour accéder à la salle de vente.
Au fur et à mesure que les enchères montent, sa jambe bat le vide.
Il enlève l’enchère pour 135 000 francs (51 887 €) . Il est heureux, souriant. La salle applaudit ! « J’étais prêt à me ruiner » déclare-t-il en quittant la salle sous les huées et les sifflements.
Sur le manuscrit original, à partir du deuxième refrain, Rouget de l’Isle écrit : « – Aux armes, Citoyens ! etc… ».
Une revanche sur les parachutistes qui avaient chahuté sa Marseillaise version Reggae une année plus tôt ? La chanson « Aux Armes etc », composée en 1979, avait provoqué une vive réaction des militaires à Strasbourg en 1980. Les premiers rangs de la salle sont occupés par des parachutistes qui distribuent des tracts tandis que le chanteur explique au public parfois en larmes que le concert devra être annulé en raison de menaces et d’alertes à la bombe à l’encontre de l’hôtel, mais aussi à cause de la présence de près de 300 parachutistes et de nombreuses forces de l’ordre qui ont fait fuir les musiciens jamaïcains.
« Je suis un insoumis qui a redonné à la Marseillaise son sens initial » clame-t-il, avant d’entonner a capella le premier couplet de la Marseillaise en version originale, le poing levé. On sent à l’image les regards gênés de ces hommes coiffés d’un béret rouge qui, pris à contre-pied sur leur propre terrain et de manière totalement inattendue, ne savent pas quel comportement adopter. C’est finalement au garde-à-vous qu’ils chanteront aussi. Serge Gainsbourg quitte ensuite la scène en leur adressant un bras d’honneur. Grand Seigneur, il paiera tous les frais d’annulation.
Retrouver les images de ce moment d’histoire, ici : https://www.ina.fr/video/CAA8101716801