Patrick Rubinstein est né à Paris en 1960. La France ne parle alors que de Bardot, l’Angleterre des Beatles et les Etats-Unis de Jackie. Chez les Rubinstein aussi mais pas seulement. On dévore le monde et l’instant avec une boulimie effrénée. Les arts apportent l’évasion, et le quotidien, la tendresse. Patrick grandit dans ce cadre, entre une mère passionnée de cinéma et un père avant-gardiste et touche-à-tout. A cinq ans, il est initié à la gouache ; à 8, au film super huit.
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Les jeux d’optique occupent une place centrale dans les créations de la famille. « Avance jusqu’à l’arbre et arrête toi quand tu seras derrière lui. » On filme l’enfant, on coupe, puis un autre acteur prend sa place et on reprend le tournage. Le père imagine quantité de petits scénarii. Chacun suit, propose, suggère. L’effervescence est générale.
Bientôt, c’est au tour de l’image fixe d’être animée. « Si tu plies une photo de façon régulière, selon des lignes parallèles, tu obtiens un jeu visuel intéressant selon que tu la regardes à droite, en face ou à gauche. » D’abord avec son père, puis seul, Patrick découvre une nouvelle écriture esthétique. Sa magie lui plaît d’emblée. En jouant avec deux portraits, on pourrait voir ainsi tantôt l’un, tantôt l’autre, tantôt la superposition des deux.
En théorie, le procédé parait simple ; en pratique, il s’avère complexe. La moindre réalisation se révèle être un vrai gouffre de temps. Patrick s’accroche. Il affine sa technique. Rapidement, le mot se passe. Son entourage lui commande des portraits. Aux premiers encouragements succèdent alors les premières ventes. Patrick a 18 ans. Il est fier, cependant il aime que les choses bougent. Dès qu’il a du temps libre, il fonce à l’entreprise familiale. Là-bas se joue la mode de demain et lui, justement, la mode lui parle. Il la voit comme une remise en question permanente. Il a le goût du défi et des idées plein la tête. Après le bac et des études de commerce, il s’implique donc spontanément dans tous les aspects du métier, le choix des tissus, l’analyse des tendances, les relations clients… Il apprend sur le tas jusqu’à en devenir obsessionnel.
Les mouvements, les formes, les matières… Il décrypte les défilés Haute couture, scrutent les vitrines des concurrents, se nourrit de ce qu’il voit et entend. Il devient « éponge ». Et tout lui réussit. Pourquoi ne pas créer sa propre marque ?
A vingt-cinq ans, il saute le pas. Energy s’inscrit dans un créneau jeune. Il propose un tissu blanc, y imprime une fleur, puis le teint à la demande. « En vert, en rose… j’aime les couleurs, et les contraste aussi ! »
Petit à petit, Patrick Rubinstein pose les jalons de ce qui le caractérise, un jeu entre le très coloré et le noir et blanc, et une course sans fin pour être toujours dans ce qui sera demain. Le monde lui sourit. Il exporte aux Etats-Unis, en Scandinavie, en Europe et au Moyen-Orient. En France, le marché change. Des collaborations avec de grandes enseignes émergentes exigent des créations non signées. Il s’adapte, mais la globalisation avance et avec elle, son rouleau compresseur. Il est temps de tourner la page, de prendre un peu de recul.
Nous sommes en 2005. En 2006, Patrick perd son père. Il repense alors à Yaacov Agam, ce précurseur de l’art cinétique… Il reprend une photo, la plie et explique à ses filles le jeu visuel ainsi créé. Les souvenirs remontent. « L’Op art vient de la contraction du mot optique, en référence à l’art optique ou l’art en mouvement. » Il pense aux portraits qu’il aimerait remettre en scène, au Pop art qui l’a toujours inspiré et à l’ère du numérique qui ouvre de nouvelles portes. Il en parle à un ingénieur…
Les défis techniques de la 3D sont grands mais s’il les remporte, il retrouvera la liberté infinie de la création et avec elle, les lettres de noblesse du travail artisanal qu’il effectuait jeune homme. Il cherche. Sa femme a foi en lui, il ira jusqu’au bout de son idée et vaincra tous les obstacles. Elle le soutient. Après trois années d’acharnement et ce qui relève presque des douze travaux d’Hercule, la victoire est là. Patrick Rubinstein peut envisager tout type de format, même des œuvres monumentales. Il s’entoure de collaborateurs qu’il forme à son art. Il ne lui reste plus qu’à créer.
De ce parcours si singulier dans l’art optique, on retiendra deux mots : courage et talent. Car Patrick Rubinstein n’a jamais douté et le marché de l’art semble aujourd’hui lui donner raison. En 2013, soit cinq ans seulement après avoir vendu sa première œuvre à Drouot, il est classé 89ème au top 100 des artistes Français les mieux cotés*. Ses acquéreurs sont un patron d’écurie de F1, une star du rock coréenne, un couple de français discrets ou un homme d’affaire saoudien. Son père aurait-il pu espérer plus bel hommage ?